Les paroles de
Jésus dans Matthieu 11.11-15 surviennent dans le contexte d’un dialogue sur le
rôle de Jean-Baptiste dans l’histoire du salut. Depuis la prison où il était, Jean
avait envoyé des messagers pour confirmer si Jésus était le Messie promis. En
réponse, Jésus a non seulement affirmé son identité messianique, mais a
également exalté le rôle crucial de Jean dans la préparation de la voie vers le
Royaume de Dieu. Ce passage attire notre attention sur Jean comme pont entre
l’Ancienne et la Nouvelle Alliance, et sur la nature radicale du Royaume que
Jésus inaugure.
Le plus grand né
des femmes.
L'enseignement de
Jésus dans Matthieu 11:11 est profond et complexe, abordant les thèmes de la
grandeur, de la nature du Royaume des cieux et du pouvoir transformateur de la
grâce. Pour bien saisir le sens, explorons les significations grecques des
termes clés et leur signification théologique.
« Né de femmes »
( γεννητοῖς γυν αικῶν, gennētois gynaikōn ) : cette expression fait référence à tous les êtres humains nés naturellement,
soulignant les limites humaines et l'ordre naturel. Jean-Baptiste est mis en
avant comme le plus grand dans cette catégorie, soulignant son rôle sans
précédent dans la préparation de la voie pour Jésus. Cependant, la comparaison
avec ceux du Royaume des cieux introduit un glissement de l'ordre naturel vers
l'ordre surnaturel.
« Plus grand » ( μείζων
, meizōn ) : Le terme meizōn
signifie « plus grand » en termes de rang, de rôle ou de statut. Jésus
reconnaît la grandeur de Jean, en particulier sa mission prophétique en tant
que précurseur du Messie. Pourtant, cette grandeur est toujours liée à
l'ancienne alliance et aux promesses de la Loi et des Prophètes.
« Le plus petit »
( μικρότερος , mikroteros ) : Le mot mikroteros
peut signifier « le plus petit » en termes de taille, d’importance ou de
rang. Dans ce contexte, il fait probablement référence à quelqu’un qui peut
sembler insignifiant ou sans importance en termes mondains, mais qui fait
partie du Royaume des cieux. Cette juxtaposition met en évidence les valeurs
radicales du Royaume, où la grandeur est redéfinie.
« Royaume des
Cieux » (βα σιλεί α τῶν οὐρ ανῶν, basileia tonne ouranōn ): La basileia tōn Ouranōn fait référence au règne de Dieu inauguré par
Jésus. Il s’agit à la fois d’une réalité présente manifestée par les œuvres grandes
de Jésus et d’un accomplissement futur. L’entrée dans ce Royaume ne repose pas
sur le mérite terrestre mais sur l’œuvre transformatrice de la grâce.
Alors, quelle est
la signification de l’enseignement de Jésus ?
La grandeur de
Jean dans l'Ancienne Alliance : Jésus reconnaît
en Jean-Baptiste le plus grand parmi ceux qui sont nés de femmes. Cette
grandeur est liée au rôle unique de Jean comme aboutissement de la tradition
prophétique. Il est « l'Élie qui devait venir » (v. 14), qui comble le
fossé entre l'Ancienne et la Nouvelle Alliance. Cependant, la mission de Jean
est préparatoire ; il indique le Royaume mais ne participe pas pleinement à sa
réalité inaugurée par le Christ.
La supériorité du
Royaume des cieux : Jésus introduit
un profond paradoxe : même le plus petit dans le Royaume des cieux est plus
grand que Jean. Il ne s'agit pas de diminuer Jean mais de souligner le pouvoir
transformateur de la grâce de Dieu. Ceux qui appartiennent au Royaume font
l'expérience d'une nouvelle réalité d'intimité avec Dieu par Jésus-Christ. Ils
ne sont pas de simples observateurs des promesses mais participent à leur
accomplissement.
Qui est le plus petit dans le Royaume ? Le « plus petit » dans le Royaume pourrait désigner :
- Ceux qui semblent insignifiants
selon les normes du monde, mais qui sont exaltés aux yeux de Dieu (cf.
Matthieu 20:16, « Les derniers seront les premiers »).
- Les humbles et les contrits qui
embrassent le don du salut (cf. Matthieu 5, 3, « Heureux les pauvres en
esprit »).
- Jésus lui-même, qui a pris la
forme d’un serviteur et est devenu « le plus petit » à cause de nous (cf.
Philippiens 2, 6-8).
Par cette
inversion radicale, Jésus enseigne que la vraie grandeur ne se mesure pas selon
des normes humaines mais par la participation à la vie divine du Royaume.
La grandeur
redéfinie : Cet enseignement remet en question les notions
humaines de grandeur. Jean représente le sommet de l’Ancien Testament, mais
même le plus petit dans le Royaume bénéficie de la plénitude de la grâce
apportée par Jésus. La grandeur du Royaume réside dans la nouvelle relation
avec Dieu par le Christ, marquée par le pardon, la transformation et la
présence du Saint-Esprit.
Être « plus grand
» dans le Royaume ne signifie pas accomplir davantage sur le plan humain, mais
vivre dans la réalité du règne de Dieu, qui renverse les hiérarchies du monde.
Cela nous rappelle que l’humilité et la dépendance de Dieu sont les véritables
voies de la grandeur. L’humanité est définitivement réconciliée avec Dieu non
pas par le sang des animaux, mais par la mort sacrificielle de Jésus sur la
Croix.
Quel est le
message pour nous aujourd’hui ?
Les paroles de
Jésus nous invitent à réfléchir à ce qui fait notre identité et notre grandeur.
Cherchons-nous à être reconnus sur le plan terrestre ou embrassons-nous
l’humilité et la grâce du Royaume ? Ce passage nous invite à nous réjouir du
don de faire partie du Royaume de Dieu, à le comprendre comme une réalité
accessible à tous ceux qui répondent à Jésus avec foi et ouverture.
En substance, le plus petit dans le Royaume est
celui qui reconnaît humblement sa dépendance envers Dieu et reçoit sa grâce
transformatrice. Aux yeux du monde, ils peuvent être petits, mais dans le
Royaume de Dieu, ils sont vraiment grands.
Jean-Baptiste est
un prophète qui a une tâche singulière : préparer le cœur des hommes au Messie.
Sa grandeur réside dans sa fidélité, dans son courage à appeler les hommes à la
repentance et dans son humilité à détourner le regard de lui-même vers l'Agneau
de Dieu. Nous trouvons en lui l'une des qualités essentielles des prophètes de
Dieu : ils sont centrés sur Dieu et non sur eux-mêmes.
Pourtant,
immédiatement après avoir proclamé la grandeur de Jean, Jésus fait une
déclaration surprenante : « En vérité, je vous le dis, parmi ceux qui sont
nés de femmes, il n’y en a pas eu de plus grand que Jean-Baptiste… » Cela
révèle une vérité profonde sur le Royaume de Dieu : il ne s’agit pas d’un
statut terrestre, d’un mérite ou d’une réussite, mais d’une grâce. L’entrée
dans le Royaume est un don, et même le membre le plus humble de cette nouvelle
réalité, uni au Christ, partage une grandeur qui surpasse l’Ancienne Alliance.
La violence du
royaume
La déclaration
suivante sur le Royaume « soumis à la violence » est à la fois mystérieuse et
puissante. Jésus dépeint le Royaume comme quelque chose de dynamique et non de
passif. Depuis l’époque de Jean, les gens ont essayé de s’y imposer par la
force, certains par désir désespéré de salut, d’autres par opposition et
hostilité.
D’un côté, cette
« violence » représente l’intensité du désir humain pour Dieu. Ceux qui
reconnaissent leur besoin de rédemption recherchent le Royaume avec une urgence
qui brise les barrières du péché, de la peur et du doute. C’est la sainte «
violence » de la foi, où les cœurs crient à Dieu avec une soif incessante de
grâce et de vérité.
D’un autre côté,
le Royaume doit faire face à l’opposition. Les autorités religieuses ont
résisté à Jean et à Jésus parce que le Royaume remettait en cause leurs
systèmes de pouvoir et de contrôle. Aujourd’hui encore, les forces des ténèbres
s’efforcent de saper l’œuvre de Dieu. Pourtant, le Royaume est inébranlable,
progressant grâce au courage de ceux qui font confiance à la puissance de Dieu.
Jean, le nouvel
Élie
Jésus révèle
alors une vérité étonnante : Jean est l'Élie qui devait venir. Élie, le
prophète fougueux de l'Ancien Testament, était censé revenir comme précurseur
du Messie (Malachie 4:5-6). En identifiant Jean comme Élie, Jésus confirme
que le temps tant attendu de l'accomplissement est arrivé. Les promesses de
la Loi et des Prophètes convergent dans le ministère de Jean et trouvent leur
aboutissement dans le Christ.
Le rôle de Jean
est celui d’une préparation désintéressée. Comme Élie, il appelle les gens à la
repentance, en tournant leur cœur vers Dieu. Mais sa mission est aussi celle
d’un renoncement. Il doit diminuer pour que le Christ grandisse. C’est un appel
non seulement pour Jean mais pour nous tous, à préparer la voie pour Jésus dans
nos vies et dans le monde, en nous mettant de côté pour que sa lumière brille.
« Que celui qui a
des oreilles entende »
Cette phrase,
souvent utilisée par Jésus, est un appel à l’attention spirituelle. Le message
du Royaume ne requiert pas seulement d’être entendu avec nos oreilles, mais de
comprendre avec notre cœur. Les vérités révélées par Jésus sont profondes et
transformatrices, mais elles exigent ouverture et foi.
Que signifie ce
passage pour nous aujourd’hui ? Tout d’abord,
il nous invite à reconnaître la grandeur du Royaume dans lequel nous sommes
appelés à entrer. Si Jean, le plus grand des prophètes, se tient en dehors de
la plénitude du Royaume, à combien plus forte raison devrions-nous chérir la
grâce d’être en Christ, le Roi ?
Deuxièmement, elle nous invite à accepter la « violence » du Royaume, non pas avec des
armes de guerre, mais avec la recherche incessante de la présence de Dieu. La
foi n’est pas passive ; elle est active, dynamique et parfois coûteuse. Elle
exige de surmonter les obstacles du péché, du doute et de la peur pour saisir
la vie que Dieu offre.
Troisièmement, cela nous rappelle notre mission de précurseurs du Christ dans le monde.
Comme Jean, nous sommes appelés à préparer la voie au Seigneur dans le cœur des
autres. Cela exige de l’humilité, du courage et une volonté de nous affaiblir
pour que le Christ grandisse en nous et à travers nous.
Enfin, il nous
lance un défi : « Que celui qui a des oreilles entende. » Écoutons-nous
vraiment les paroles de Jésus ? Reconnaissons-nous l’urgence de son appel à
participer au Royaume ? Sommes-nous prêts à abandonner nos propres objectifs et
à embrasser la vie radicale du discipulat ?
L'Évangile
d'aujourd'hui nous invite à rechercher Dieu de tout notre cœur, à tenir bon
face à l'opposition et à préparer le chemin du Christ dans nos vies et dans le
monde. Puissions-nous, comme Jean, être de fidèles messagers de la grâce de
Dieu et des chercheurs infatigables de son Royaume. Et puissions-nous avoir des
oreilles pour entendre la voix de Jésus, qui nous appelle à la plénitude de la
vie en Lui. Amen.
"Le plus petit dans le Royaume est celui ou celle qui reconnaît humblement sa dépendance envers Dieu et reçoit sa grâce transformatrice".
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