Chers frères et sœurs en Christ,
Que la paix et l’amour du Christ soient avec vous !
L’Évangile
d’aujourd’hui nous fait vivre l’une des rencontres les plus émouvantes et les
plus profondes de toute l’Écriture. C’est un face-à-face entre la miséricorde
divine et la fragilité humaine, entre la condamnation et la compassion, entre
la Loi et la Grâce.
Jésus
s’était retiré au mont des Oliviers, lieu de silence et de prière. Puis, dès
l’aube, Il revient au temple. Une foule s’approche, avide de Ses paroles. Et
soudain, ce calme est brisé.
Les
scribes et les pharisiens amènent une femme surprise en flagrant délit
d’adultère. Ils la placent au centre, exposée à tous les regards. Elle n’a pas
de nom. Elle est simplement « la femme ». Elle devient le symbole de tout
pécheur : honteux, brisé, exposé, jugé… déjà presque condamné à mort.
Ils posent alors à Jésus une question
:
« Maître, cette femme a été surprise
en train de commettre l’adultère. Or, dans la Loi, Moïse nous a ordonné de
lapider ces femmes-là. Et toi, que dis-tu ? »
Ils
veulent tendre un piège à Jésus. S’Il approuve la lapidation, Il renie Son
message de miséricorde. S’Il s’y oppose, Il se met en défaut face à la Loi de
Moïse.
Mais
Jésus ne répond pas. Il se penche et se met à écrire sur le sol. Il nous
enseigne qu’il y a des moments où le silence est plus éloquent que les mots. Où
il vaut mieux ne pas réagir à une provocation. Il nous invite à discerner le
bon moment pour parler.
Pourquoi écrit-Il par terre ?
L’Évangile ne le dit pas. Mais plusieurs Pères de l’Église ont vu ici un écho
de Jérémie 17,13 :
«
Ceux qui se détournent de Toi seront inscrits sur la terre, car ils ont
abandonné le Seigneur, source d’eau vive. »
Écrivait-Il
les péchés des accusateurs ? Ou voulait-Il simplement rappeler que Dieu voit
tout, même ce qui est caché ? Peut-être écrivait-Il sur la poussière plutôt que
sur la pierre, parce que la pierre garde la trace, tandis que la poussière
s’envole au souffle du vent.
Peut-être écrivait-Il les fautes de
l’humanité sur le sable, afin que le vent de Sa miséricorde les efface. Comme
le dit le Psaume 103,12 :
«
Aussi loin qu’est l’orient de l’occident, Il éloigne de nous nos péchés. »
Ce
doigt qui trace sur la terre, c’est le même doigt divin qui grava la Loi sur
les tables de pierre (Ex 31,18). Mais aujourd’hui, Jésus n’écrit plus sur de la
pierre, Il écrit dans la chair, dans la terre des cœurs humains.
Comme
l’avait annoncé le prophète Jérémie : « Je mettrai ma Loi au fond
d’eux-mêmes ; je l’écrirai sur leur cœur » (Jr 31,33). Désormais, la Loi de
l’Amour est la mesure de toutes les lois.
Jésus
se penche. En grec, le mot utilisé est katakýptō, s’abaisser, se
courber. Lui, le Fils de Dieu sans péché, s’incline devant la pécheresse. Voilà
notre Dieu : Celui qui s’abaisse jusqu’à nous.
Quand
les accusateurs insistent, Il se redresse et leur dit cette phrase inoubliable
:
« Que celui d’entre vous qui est sans péché lui jette la première pierre. »
Le
mot grec anamártētos signifie plus qu’« innocent » : il désigne celui
qui n’a même pas d’inclination au péché, autrement dit, le parfaitement saint.
Seul celui-là peut juger parfaitement.
Alors,
les pierres tombent, une à une. Et les hommes s’éloignent, à commencer par les
plus âgés, les plus conscients de leur fragilité. Et il ne reste plus que deux
personnes : Jésus et la femme. Plus de foule. Plus d’accusateurs. Même la Loi
se tait.
Jésus lui parle :
« Femme, où sont-ils ? Personne ne t’a condamnée ? »
Il
l’appelle Femme, non pas « pécheresse » ni « adultère », mais Femme
, un titre de dignité, plein de mystère.
C’est le même mot qu’Il utilise pour s’adresser à sa Mère, à Cana (Jn 2,4) et
sur la Croix (Jn 19,26). Il restaure son identité, non dans la faute, mais dans
la dignité.
Ce
n’est pas un hasard. En l’appelant Femme, Jésus évoque l’image d’Ève,
mère de tous les vivants, mais cette fois-ci réconciliée, régénérée, rendue à
la vie. Il ne lui donne pas seulement le pardon, mais un nom nouveau, un
nouveau départ.
Elle répond :
« Personne, Seigneur. »
Alors Jésus dit cette parole qui est
comme un Évangile dans l’Évangile :
« Moi non plus, je ne te condamne pas.
Va, et désormais, ne pèche plus. »
Il
n’excuse pas le péché, mais Il refuse de réduire la femme à son passé. En grec,
oudè egṓ se katakrinō signifie bien plus qu’un simple « je ne te juge
pas » , c’est une volonté de ne pas définir cette femme par sa pire erreur.
Il
lui ouvre un avenir. Il lui propose la vérité, mais avec tendresse. Il invite à
la conversion, « Va, et ne pèche plus
», mais seulement après avoir offert
la grâce. Cela nous rappelle ce que nous vivons quand nous allons confesser nos
fautes devant un prêtre.
Et nous, aujourd’hui ?
Nous
sommes tous, à un moment ou un autre, comme cette femme : blessés, honteux,
confrontés à notre péché. Et parfois, nous sommes aussi comme la foule :
prompts à juger, lents à nous remettre en question.
Mais
Jésus nous invite aujourd’hui à déposer nos pierres. À renoncer aux jugements
sévères, surtout ceux que nous portons
contre nous-mêmes.
Nous
vivons dans un monde assoiffé de miséricorde. Et pourtant, nous rencontrons
souvent plus de juges que de cœurs compatissants. Mais l’Église n’est pas un
tribunal. Elle est, comme le dit le pape François, un hôpital de campagne, un
lieu où l’on soigne les blessés au lieu de les accuser.
Aujourd’hui,
Jésus regarde chacun de nous, surtout ceux qui se sentent indignes, souillés,
rejetés ou désespérés. Et Il murmure à notre cœur les mêmes paroles :
« Moi non plus, je ne te condamne pas.
Va, et ne pèche plus. »
Quand
le doute nous prend sur la miséricorde de Dieu, revenons à ce passage. Qu’il
imprègne notre cœur. Jésus n’est pas venu pour nous humilier, mais pour nous
relever. Pas pour nous condamner, mais pour nous sauver.
Alors
aujourd’hui, offrons-Lui notre cœur tel qu’il est : fatigué, blessé, pécheur.
Laissons-Le s’incliner de nouveau près de nous. Et qu’Il écrive une histoire
nouvelle : une histoire de pardon, de guérison et de renaissance.
Amen.