Chères
Sœurs et chers Frères, alors que nous approchons de la fin de l’année 2024, la
Sainte Mère Église nous invite à méditer sur le mystère profond présenté dans
l’Évangile de Jean. Il convient de rappeler que cet Évangile a été écrit dans
un contexte profondément marqué par la pensée philosophique grecque, notamment
les réflexions sur l’origine et l’ordre de toutes choses. Des philosophes comme
Héraclite utilisaient depuis longtemps le terme « Logos » pour désigner le
principe de raison et d’ordre sous-jacent à l’univers. À l’époque de Jean, le
terme « Logos » avait évolué pour devenir un concept riche et multifacette dans
les traditions juive et grecque, servant de pont entre la sagesse divine, la
création et la structure intelligible de la réalité.
Jean,
inspiré par l’Esprit Saint, relie magistralement ces idées philosophiques à
l’annonce chrétienne de Jésus-Christ. Il présente le Logos non pas comme un
principe abstrait, mais comme une personne, le Verbe fait chair, le divin
entrant dans l’histoire humaine. Cette affirmation audacieuse transforme la
pensée philosophique grecque en une révélation théologique profonde : Dieu
Lui-même, source et soutien de tout, s’est fait l’un de nous.
Cette
invitation à réfléchir sur le mystère de l’Incarnation nous appelle à une
compréhension plus profonde de ce que Dieu a fait pour nous en Jésus-Christ.
Une telle contemplation mène naturellement à une gratitude profonde et à une
adoration sincère. Le passage commence par ces mots majestueux et intemporels :
« Au commencement était le Verbe, et le Verbe était avec Dieu, et le Verbe
était Dieu. »
Le
terme grec « Logos » transmet une richesse de significations: il ne signifie
pas seulement « parole », mais aussi raison, ordre, sagesse et expression
divine. Il nous rappelle que le Verbe est à la fois l’origine et la finalité de
toute création, Celui qui apporte lumière et vie à un monde souvent plongé dans
les ténèbres.
La lumière dans les ténèbres
«
La lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont pas arrêtée » (Καὶ τὸ φῶς ἐν τῇ σκοτίᾳ φαίνει, καὶ ἡ σκοτία αὐτὸ οὐ κατέλαβεν). Le mot « κατέλαβεν » (katalaben) peut signifier « surmonter », « saisir »
ou « comprendre ». Cette expression révèle une vérité profonde : les ténèbres
ne peuvent éteindre la lumière du Christ.
En
méditant l’Évangile d’aujourd’hui, nous voyons la pertinence durable de la
lumière du Christ face aux défis actuels, une lumière qui offre l’espérance au
milieu des guerres, de l’incertitude économique et des crises
environnementales. Comme le rappelle saint Jean de la Croix : « L’âme unie et
transformée en Dieu respire Dieu en Dieu avec le même souffle divin avec lequel
Dieu, en la personne, se respire Lui-même. » Cette union profonde nous rappelle
que la lumière du Christ n’est pas seulement extérieure, mais qu’elle vit en
nous, illuminant les moments les plus sombres par l’espérance de l’amour divin.
Le Verbe s’est fait chair : un Dieu qui demeure parmi
nous
Au
cœur de ce passage se trouve cette déclaration saisissante : « Et le Verbe
s’est fait chair et Il a habité parmi nous » (Καὶ ὁ Λόγος σὰρξ ἐγένετο καὶ ἐσκήνωσεν ἐν ἡμῖν). Le verbe eskenōsen, qui signifie littéralement
« a dressé sa tente », évoque l’image du Tabernacle dans le désert, signe
tangible de la présence de Dieu parmi son peuple.
Ce
verset nous assure que Dieu est intimement présent dans les réalités de nos
vies. Comme l’a si bien exprimé saint Augustin : « Dieu s’est fait homme pour
que l’homme devienne Dieu. » Pourtant, l’une des plus grandes tentations du
monde moderne est l’inclination de l’humanité à usurper la place de Dieu,
cherchant à devenir son propre dieu en défiant le Créateur.
En
Christ, cependant, nous rencontrons un Dieu qui comprend véritablement nos
joies, nos peines et nos luttes, car Il les a vécues Lui-même. L’Incarnation
révèle un Dieu profondément proche de nous, offrant espérance, guérison et
promesse de transformation divine.
Grâce et Vérité : le don de l’Incarnation
Jean
écrit : « Nous avons tous reçu de sa plénitude, et grâce sur grâce » (Charin
anti charitos). L’expression grecque évoque une surabondance de grâce, un
don infini et gratuit. L’Incarnation révèle un Dieu caractérisé par « grâce et
vérité » (charis kai alētheia), accomplissant la loi et inaugurant une
nouvelle alliance d’amour et de miséricorde divins.
C.S.
Lewis exprime cette vérité profonde lorsqu’il dit : « Le Fils de Dieu est
devenu homme pour permettre aux hommes de devenir fils de Dieu. » Cette
découverte de notre identité en tant que « fils et filles de Dieu » apporte une
véritable liberté et transforme nos relations. En embrassant cette identité,
nous dépassons peu à peu une vie de compétition, réalisant que chacun de nous
est unique, créé par Dieu pour un but précis.
Cette
grâce ne nous réconforte pas seulement, elle nous transforme. Elle nous donne
la force de refléter la lumière du Christ dans nos vies, à travers des actes de
bonté, de pardon et de service désintéressé. En vivant cette grâce, nous
devenons des témoins vivants de l’amour de Dieu, propageant Sa lumière dans un
monde en besoin.
Contempler la gloire de Dieu
Jean
déclare : « Nous avons vu sa gloire, une gloire comme celle du Fils unique venu
du Père. » Le terme grec doxan se réfère à la splendeur, la majesté et
la radiance divine de Dieu révélée en Christ. Cette gloire est une réalité
relationnelle qui nous attire dans la communion avec le Père. Comme l’a écrit
le poète Rainer Maria Rilke : « Le seul voyage est celui qui se fait à
l’intérieur. » Contempler la gloire du Christ nous invite à entreprendre un
voyage intérieur de transformation, un chemin qui ouvre nos cœurs à Dieu et aux
autres.
Témoins de la lumière
Jean-Baptiste
est présenté comme un « témoin de la lumière » (martys tou phōtos). Le
mot grec μάρτυς (martys)
signifie aussi « martyr », soulignant le coût du témoignage. En cette fin
d’année, nous sommes appelés à réfléchir : Comment avons-nous témoigné de la
lumière du Christ dans nos familles, nos lieux de travail et nos communautés ?
Dietrich
Bonhoeffer nous rappelle : « Ta vie de chrétien devrait amener les non-croyants
à remettre en question leur incrédulité en Dieu. » C’est là le défi et le
privilège d’être témoin : vivre de telle manière que les autres voient en nous
l’espérance et l’amour du Christ.
Alors
que nous nous préparons à entrer en 2025, tenons ferme à la vérité de
l’Incarnation : le Logos s’est fait chair, dressant sa tente parmi nous. Que Sa
lumière nous guide à travers les incertitudes de la vie, que Sa grâce nous
soutienne dans nos épreuves et que Sa gloire nous transforme de l’intérieur.
Puissions-nous, à l’exemple de Jean-Baptiste, devenir des témoins de la
lumière, apportant l’espérance à un monde qui a besoin de la présence du
Christ.
«
La lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont pas arrêtée. » Amen.
BONNE ET SAINTE ANNÉE
2025 !!!🙏🙏🙏